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  • Photo du rédacteurCharles Bourrat

L’entreprise à mission, l'équilibre entre bénéfice à la société et bénéfices aux actionnaires ?

Dernière mise à jour : 21 mai 2021


 

Qu'est-ce qu'une entreprise à mission ?


La qualité de société à mission a été introduite par l'article 176 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Cette qualité permet à une société de préciser une raison d'être ainsi que de définir un ou plusieurs objectifs sociaux et/ou environnementaux que l'entreprise se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité.


Voici plus exactement ce que précise l'article 176 de la loi Pacte :

« Art. L. 210-10.-Une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées :

« 1° Ses statuts précisent une raison d'être, au sens de l'article 1835 du code civil ;

« 2° Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ;

« 3° Ses statuts précisent les modalités du suivi de l'exécution de la mission mentionnée au 2°. Ces modalités prévoient qu'un comité de mission, distinct des organes sociaux prévus par le présent livre et devant comporter au moins un salarié, est chargé exclusivement de ce suivi et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion, mentionné à l'article L. 232-1 du présent code, à l'assemblée chargée de l'approbation des comptes de la société. Ce comité procède à toute vérification qu'il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l'exécution de la mission ;

« 4° L'exécution des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés au 2° fait l'objet d'une vérification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités et une publicité définies par décret en Conseil d'Etat. Cette vérification donne lieu à un avis joint au rapport mentionné au 3° ;

« 5° La société déclare sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, qui la publie, sous réserve de la conformité de ses statuts aux conditions mentionnées aux 1° à 3°, au registre du commerce et des sociétés, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat. »



 


L'aboutissement d'un long processus


L'instauration de cette qualité de société à mission dans la loi n'est pas un simple effet de mode mais le fruit de nombreuses prises de conscience nationales et internationales d'une nécessité d'agir et de changer notre modèle de croissance.



Parmi les premiers événements qui ont mené à cette prise de conscience se trouvent les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Ces chocs ont amené aux premières remises en question de la pérennité de notre modèle de croissance. Le rapport Brundtland et le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro vont ainsi apporter les premiers éléments de réponse, le premier en définissant le terme "développement durable" et le second en posant les bases d'une coopération internationale avec l'adoption de la "Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement" regroupant 27 principes portant sur les questions de la détérioration de l’environnement et de l’interdépendance de plus en plus manifeste entre la pauvreté, le sous-développement et la dégradation de l’environnement.

Cette prise de conscience étatique infuse durant les années 90 mais commence à réellement être intégrée par les entreprises au cours des années 2000. On voit en effet apparaître les premières Benefit Corporation aux États-Unis en 2006, modèle qui offre la possibilité aux entreprises à but lucratif de tenir compte de la société et de l’environnement dans leur structure de gouvernance et de gestion. Cette prise de conscience est renforcée et facilitée avec la création de la norme ISO 26 000 en 2010 qui définit la manière dont les organisations peuvent contribuer au développement durable.


En France, ce processus de prise de conscience et de réflexion est notamment marqué par la promulgation en 2001 de la loi relative aux nouvelles régulations. Cette loi demande aux entreprises cotées en Bourse de prendre en compte dans leurs rapports annuels d'activité les conséquences sociales et environnementales de leur activité, y compris les émissions dans l’air de gaz à effet de serre. Cette mesure est complétée par la loi Grenelle de 2010 qui demande à chaque entreprise de réaliser et publier annuellement un rapport social et environnemental.


En parallèle de ces mesures législatives, des universitaires travaillent sur plusieurs propositions de modèles alternatifs d'entreprises. C'est ainsi qu'en 2015 les travaux de l'équipe de chercheurs de Mines ParisTech de la chaire Théorie de l'entreprise mènent à la création de la notion de société à objet social étendu. Ce processus de réflexion aboutit avec le lancement pour le gouvernement de travaux de réflexion avec pour but de permettre aux entreprises d'innover et se transformer.


En octobre 2017 est donc lancé le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises. Après plusieurs phases de consultation le projet loi Pacte est présenté en Conseil des ministres en Juin 2018 puis examiné au Parlement à parti de septembre 2018 avant que la loi Pacte ne soit finalement promulguée en mai 2019 et que le décret d'application ne paraisse en janvier 2020, permettant ainsi notamment à toute entreprise le désirant et répondant aux exigences de prendre la qualité d'entreprise à mission.



 

Notre méthodologie d'analyse


Pour notre analyse nous avons choisi d'utiliser quatre critères : la lucrativité, l'utilisation des bénéfices, la gouvernance et l'objectif social et environnemental.


Comparaison des grandes catégories d'entreprises


Nous avons chois de comparer quatre formes de structures : l'entreprise traditionnelle, l'entreprise commerciale d'utilité sociale (appartenant à l'Économie Sociale et Solidaire mais non statutaire), l'entreprise statutaire de l'Économie Sociale et Solidaire (coopérative, mutuelle, fondation, association) et l'entreprise à mission.


Au regard de cette analyse comparative il apparaît que l'entreprise à mission se présente comme le meilleur compromis entre une volonté d'apporter une contribution forte à la société, que celle-ci soit inclue dans la stratégie de développement de l'entreprise, mais sans que cela ne contraigne la réalisation de profit. Ce mode de fonctionnement apparaît aussi comme le meilleur moyen de créer plus de dialogue et de coopération dans la gouvernance de l'entreprise sans que les actionnaires ou chefs d'entreprise ne soient dépossédés des structures qu'ils ont pu créer.


 

L'entreprise à mission semble vraisemblablement représenter le modèle d'entreprise répondant le mieux aux enjeux du XXIème siècle, offrant à notre société la possibilité de réinventer un modèle de croissance générateur de profit sociétal et environnemental et ainsi pérenniser l'action de l'entreprise pour l'ancrer dans un monde plus durable.


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